Ilha de Santo Antão : Corda, en route pour Santiago
Ce sont nos dernières heures à Santo Antão : saudade, déjà. Le peu que nous avons visité de cette île nous a ravis, c’est le genre d’endroit oùon ne peut que penser revenir. Nous profitons du beau temps pour faire un tour au port de Ponta do Sol. Les pêcheurs vaquent à leur quotidien. Le rangement des barques a l’air d’un sacré exercice.
D’autres font plus simple et se contentent de cueuillir les dons de l’océan dans les piscines naturelles, narguant les déferlentes…
Couleurs, chaleur, embruns et doux vacarme des vagues.
Tout au bout de Ponta do Sol, un aéroport désaffecté : l’Aéroport Agostinho Neto, du nom du premier président angolais, déporté à Ponta do Sol avant l’indépendance de l’Angola. Fermé au début des années 2000 car jugé trop dangereux -forts vents latéreaux, vol à vue, accidents-, il laisse Santo Antão sans aéroport, seule île de l’archipel dans ce cas avec Brava.
Nous avons notre bateau à 16H à Porto Novo, Gila et un collectivo qui nous récupère : déambulations.
C’est l’heure où les écoliers de l’après-midi filent en cours : les rues sont pleines de jeunes. Quant à moi, ce sobrado me donnerait presque des idées. Situé en face du Bokinha Salgad’, je l’ai capté dès notre première soirée, trouvant dommage son état de délabrement.
Nous continuons d’assister à l’arrivée des écoliers… Cette fin de matinée est très chaude et colorée : parfaite.
Ponta do Sol parait avoir attiré beaucoup de descendants de cap verdiens, et même des étrangers venus passer une retraite paisible sur place -un couple de vendéens croisé, par ex.-. Beaucoup, suisses, allemands, italiens, ont monté leur petite échoppe de souvenirs, couture, en mode commerce équitable, dans un genre de donnant / donnant.
Il faut avoir une bonne dose de courage pour se retirer dans ce bout du monde…
Et pourtant, c’est un bout de terre bien agréable que cet amas de montagnes émergeant dans l’océan…
Gila et un chauffeur nous ont récupéré à 13H. Nous filons à Ribeira Grande où il faut remplir le collectivo.
La seule assurance que nous avons de la part du chauffeur est que nousd arriverons à l’heure pour prendre notre bâteau. C’est déjà pas mal et il vaut mieux car après notre traversée, nous avons un avion à prendre.
Je tue le temps avec mon activité de voyage préférée…
Ca a pris pas loin d’une heure, ce remplissage du Hiace. Et avant de partir, le chauffeur nous annonce, rictus aux lèvres, que nous allons passer par Corda. Plaisir, surprise, tant que nous arrivons à temps! Bon, le tout pour 4€ par personne contre 25€ pour deux la veille pourt la moitié de la route! Pas grave, c’est un super bonus! Et nous grimpons…
J’ai pu m’incruster à l’avant et passerai les deux heures suivantes appareil à la fenêtre.
Ayant longtemps connu des circonstancers similaires, je crois que le parcours de cette Corda est un voyage dont on ne peut se lasser…
Un Domaine au Cap-Vert de Teixeira de Sousa vient de me donner un élément de réponse quant à la construction de cette route sans matériel.
Il s’agissait de faire des économies de technologie et de dépenses en s’inspirant des romains plutôt qu’en utilisant du béton armé et du goudron. Je ne connais pas le coût humain de l’idée, mais 50 ans après, ce parcours est un véritable bonheur, malgré tout.
Et dire que nous n’avons fait que 4 randos, dont deux sur le littoral… Avec 3 à 4 pans entiers de l’île qui restent à découvrir. Tarrafal, au Sud-Ouest, nous a été vivement conseillé, mais le temps est ce qu’il est, c’est à classer au rang de projet.
Arrivés sur les cimes, nous nous arrêtons pour faire un chargement de marchandises. Les chauffeurs se ravitaillent piquant une patate dans l’assiette des locaux, postés sur leur terrasse ou en bord de route dans l’attente du passage du collectivo, assez alléatoire. « Les collectivos ne montent pas là-haut », ça me fait rire, même pas râler.
Ouais, je ne sais pas quoi mais je sais que c’est fascinant. Nous reprenons la route.
C’est quitte ou double, le collectivo passe quand il peut, et cette ado a perdu l’occasion de vendre ses pommes.
Si l’estrada Corda est magique pour le touriste, elle est l’objet de bien des attentions : il faut la choyer, l’entretenir. Pour ce que j’ai vu, je crois que les cap verdiens s’y prennent bien, en général.
Et puis ce qui me trouble toujours un peu, c’est cette présence de l’ancienne métropole à travers ses clubs de football. A la ville comme à la campagne.
Derrière moi, le ton monte. Un ancien commence à râler contre le temps que nous mettons, et les échanges avec le chauffeur se corsent. Mais il nous a assuré d’être à l’heure et pour moi, il n’est nul besoin d’accélérer, d’autant que São Vicente, de l’autre côté, est enfin en vue, par ce magnifique temps clair.
La veille, c’est à peine si nous pouvions la deviner, mais aujourd’hui, elle s’offre, là, comme Santo Antão s’était offerte à nous le jour où nous devions la rejoindre, après s’être faite désirer.
Et moi, ça me scotche, virage après virage.
Nous sommes passés sur le versant sud ouest de l’île et le relief a complètement changé, labourré par d’anciennes coulées de lave.
Au loin, le 3e point culminant de l’île? Monte Lenha, à 1660 m. Plus à l’ouest, le Topo da Coroa [=sommet de la couronne] culmine à 1979 m.
Ici, tout est sec, herbe, aloé veras et acacias formant l’essentiel de la végétation.
Si ça n’est pas le 3e, peut-être le second, Marocos, à 1767 m. Je laisse le chauffeur se disputer avec le client mécontent. De toute manière, cette question ne m’est même pas passée par la tête : ce passage bizarre, là-haut, a juste beaucoup attiré mon attention.
Mine de rien, São Vicente occupe une grande partie de l’horizon. Nous recroisons un cône adventif déjà vu à l’aller. Meilleur angle que celui-ci!
Nous avons quasiment parcouru les 23 kms qui nous séparaient de Porto Novo, et les surprises n’en finissent pas.
Bon, ça ne sont que des chèvres, mais le spectacle reste sympa! Elles font un peu ce qu’elles veulent, semble-t-il.
Elles sont aussi un peu responsables de l’aridité des terres, puisque tout y passe. Pendant ce temps, les plus démunis doivent aller à la ville chercher de l’eau à dos d’âne.
La ville, nous y arrivons, avec la Baie de Mindelo qui nous ouvre grands les bras.
A cette heure-ci, Porto Novo est comme paralysée, un peu endormie. La ville n’a rien d’affable, elle est juste passé d’un point de déportation, avec sa prison, à un point de passage, même si sa population a fortement augmenté depuis les années 1960.
C’est à peine s’il y a un miracle économique dû aux échanges facilités entre Santo Antão et São Vicente. D’autres, bien que hardis, n’ont pas réussi à berner les locaux avec leurs pseudo miracles : cette église pantecotiste brésilienne a bien vite plié bagage… Ca n’est peut-être pas anodin, mais Porto Novo était connu pour ses sorcières, en d’autres temps!
Nous sommes bel et bien à l’heure, nous attendrons même un peu.
Ah, vraiment, la saudade s’empare déjà de nous, et je comprends à 200% ce vieux monsieur, la veille, qui bloqué sur un fauteuil roulant dans sa boutique nous disait que le Cap-Vert était pauvre, mais qu’il préférait y vivre que d’être resté à Paris, où il avait passé des années, parce que c’était sa terre : « è a minha terra… ». Et Santo Antão, qui plus est!…
Traversée jusqu’à Mindelo… Il arrive que des dauphins accompagnent un peu le ferry ou que l’on puisse apercevoir des bancs de thons. Des baleines font aussi, de temps à autre, leur apparition, pour les plus chanceux.
Des calamars géants s’attaqueraient encore plus rarement au ferry, poussant l’aviation cap verdienne à intervenir.
Et bien, pas plus que les tortues ou baleines en d’autres points de l’archipel, nous n’avons eu la chance de vivre ces moments. Aucun regret pourtant, nous avons été très gâtés.
Rapide collation au port de Mindelo, nous avons un peu de temps, quoique tout de même le luxe de rejoindre à pied la Praça Estrela et d’attendre qu’un collectivo pour l’aéroport s’y remplisse.
Ben ouais, il aurait été plus facile de prendre un taxi, hop, attendre notre avion jusqu’à 21H30, et on n’en parle plus. Mais comme ça, nous en profitonscomme de Santo Antão, désromais de l’autre côté.
Et puis, tandis que j’échange football avec notre chauffeur revêtu d’un maillot du Portugal -il est tout aussi champion d’Europe que moi!!! Campiões, furtif et hillare moment de communion!!!!-, nous observons le manège de fin d’après-midi, sur la place.
Ouais, il y a des voyageurs bizarres, parfois : bien malin qui pourra me dire à quelle tribu ceux-ci appartiennent!
Nous filons. Le paysage jusqu’à São Pedro et son aéroport, au Sud Est de São Vicente, est enchanteur :dernier salut à Santo Antão!
Ouvert en 1960 et Aéroport International Cesaria Evora depuis 2012, on nous y donnera le premier avion pour Praia. Atè a vista!