Ilha de Santiago : Cidade Velha
Nous y voilà, Cidade velha… Le temps d’un café et c’est parti! La vieille ville, autrefois appelée Ribeira Grande, 1e capitale du Cap-Vert…
Fondée en 1462, elle devient vite le centre de la traite négrière. Ici, le pilori, ou pelourinho, de style manuelin (1512-1520).
Située à 12 kms de Praia, Cidade Velha compte aujourd’hui dans les 3000 habitants : c’est désormais un gros village paisible. Mais il faut imaginer la ville à l’époque, avec nombre de navires mouillant, les populations réduites en esclavage arrivant d’Afrique pour ensuite être envoyées aux Amériques.
Il faut imaginer les attaques corsaires et pirates aussi, avec celles de Francis Drake, principalement, qui en assurèrent la chute après maints affronts, dans le cadre de la guerre anglo espagnole en 1585. Bien loin de l’étape paisible, avec ses pêcheurs, tel qu’on voit la ville aujourd’hui.
Ribeira Grande, la grande vallée ou le grand canyon, comme à Santo Antão. De nombreuses personnalités y firent étape : Vasco da Gama, pour ouvrir la route maritime pour les Indes en 1497 ; Christophe Collomb lors de son 3e voyage pour les Amériques en 1498. En 1522, Magellan s’y arrêta au début de son périple au tour du monde.
La cathédrale… Commencée sur un plan Renaissance tardive dès 1556 pour être achevée vers 1700, elle fut élevée avec des pierres transportées depuis le Portugal, sur les ordres du 3e évêque du Cap-Vert, Francisco da Cruz. Ce fut la1e cathédrale construite sur la côte ouest Africaine. Le prêtre jésuite Antonio Vieira, anti esclavagiste notoire, y prêcha le 22 novembre 1624, avant d’embarquer pour le Brésil.
Ribeira Grande avait été promue au rang de diocèse dès 1532 : c’est le 1er de la côte occidentale africaine. Surplombant la ville, on aperçoit le fort.
La cathédrale fut brûlée en 1712 lors d’un raid commis par le corsaire français Jacques Cassard.
Ribeira Grande / Cidade Velha perdit son statut de capitale en 1770, au profit de Praia : elle était trop soumise aux attaques étrangères… Mais pendant plus de deux siècles, la ville était au centre du commerce transatlantique, et pas seulement de la traite négrière qui fut aussi, finalement, un vecteur important dans la création de la société créole locale, une des plus anciennes.
Difficile d’imaginer l’agitation qui put reigner sur place quelques siècles en arrière.
Les vestiges du temps sont pourtant nombreux, conférant à Cidade Velha le statut de premier et unique site cap-verdien inscrit sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, le 26 juin 2009.
Ici, les ruines de l’Eglise de la Miséricorde, dont la construction fut ordonnée par Francisco da Cruz en 1555.
Attenant à l’Eglise de la Miséricorde, déjà en ruine en 1864 et dont il ne reste aujourd’hui qu’un semblant de clocher, on trouvait un hôpital, l’un des meilleurs d’Afrique à son avènement. Plus rien de tout cela aujourd’hui. La ville semble se mourrir quelque peu, bien qu’en résistant, grâce au tourisme, sûrement.
Sous les cocotiers, pas grand chose et nous nous mettons donc en quête d’autres vestiges du temps. Un vrai jeu de piste!
En fait, il y a des églises ou leurs ruines partout dans le coin! Un mini Ouro Preto! Ici s’élevait l’église Nossa Senhora da Conceição, construite au XVe s. Ca n’est pas encore, et contre toute attente, la plus ancienne église du Cap-Vert et d’Afrique. Nous ne sommes pas les seuls à nous interesser à ces vestiges, toute une école passant sous nos yeux.
C’est le bougainvillier du coin qui en pâtit! Le bon côté étant que la plupart des mamans auront ce soir leur petite fleur…
L’église devait être accompagnée de ses dépendances et abriter une congrégation…
Alentours, canne à sucre, bananiers, papayers, etc… Je commence à me faire à ces plantes qui m’étaient jusqu’ici étrangères.
L’Eglise et couvent Saint François -São Francisco-, restaurée comme le fort et d’autres édifices locaux par la coopération espagnole.
On pense à l’activité qui a reigné ici, entre dévotion et mise au pas des populations africaines importées.
Le couvent São Francisco date du XVIIe siècle, soit bien après l’apogée de la ville.
La végétation est exubérante : avec un mouillage profond et la présence d’eau, c’était une des conditions à l’implantation portugaise.
Il est l’heure de manger. En attendant d’être servi, je pars à la rencontre des baobabs, mais tombe sur Nicky. Nicolau.
Son prénom n’est pas succinct, mais on y reviendra. Il est sympathique, mais je garde un peu de méfiance ; à côté, une maman garde un oeil sur les enfants, mais aussi sur moi et me le « fait savoir » en passant à plusieurs reprises tout près. Le guide met en garde contre quelques agressions lorsque l’on quitte le centre, principalement par des jeunes oisifs. Mais tout va bien, nous parlons, sympathisons brièvement.
Ce midi tardif, ç’aura été poisson et riz, choisi directement dans le congélateur. Il est temps de reprendre notre visite. Il semble que ce soit la Rua da Banana, mais soit le panneau était mal placé, soit Google Maps se trompe -je penche pour le 2e solution- : c’est tout simplement le plus ancien vestige d’urbanisation européenne en Afrique subsaharienne.
Au 1er plan, la tombe du Padre Nicolau, prêtre afrodescendant qui au XIXe-XXe siècles eut pas moins de 54 enfants. Un groupe Facebook de ses descendants existe à ce jour. Nicky, rencontré plus tôt, en était un. Au second plan, l’église Nossa Senhora do Rosario. Erigée en 1493-1495, c’est la plus ancienne de la ville et donc la 1e église européennede la côte occidentale africaine.
De style gothique manuélin, elle est l’un des très rares vestiges du genre visible à ce jour en Afrique.
Retour en ville par la Rua da carrera ou Rua da banana : les deux sont quasiment contemporaines et offrent les mêmes caractéristiques.
Maintenant, direction le fort, 100 mètres au dessus du niveau de la mer.
Je vous ai dit que Cidade Velha / Ribeira Grande faisait partie des 7 merveilles d’origine portugaise dans le monde ? Un concours qui donna son verdict le 10 juin 2009, parmi 27 monuments candidats, 22 étant à l’époque listés à l’UNESCO -23 aujourd’hui avec Cidade Velha.
Ca grimpe fortement, et d’une vallée très verte, nous passons sur le plateau désertique.
Nous devons nous dépêcher, les lieux ferment dans 1/2H…
Nous avons déjà raté la visite de l’église do Rosario à cause d’un fonctionnaire peu motivé, mais c’est bon pour le fort. Ici, la citerne. La forteresse fut construite en 1585, après les ravages commis par Francis Drake sur Cidade Velha, par Filipe 1er du Portugal, le Philippe II d’Espagne.
Il n’y a dans le coin, pas que des pierres, mais c’est là un des rares animaux sauvages que nous avons croisé durant notre séjour cap-verdien.
La forteresse São Filipe permettait de prévenir les attaques à la fois par terre, avec ses remparts, et par mer, avec son artillerie.
Côté mer, le soleil se couche et on a donc une plus belle vue sur la vallée.
L’édifice fut l’objet d’une première campagne de restauration dans les années 1960, puis de fouilles archéologiques et de restaurations entre 1999 et 2001.
Tout porte à croire que sa présence fut peu dissuasive vus les dommages causés à la capitale après sa construction, notamment avec Jacques Cassard en 1712. Praia devenait donc la capitale du Cap-Vert en 1770
Le retour sera l’occasion de faire conaissance avec Celestino, agent au fort, qui rentre avec nous à Praia par le dernier collectivo. L’occasion d’apprendre le nom portugais des baobabs, que je n’ai pas vus -calabaceiras-, et diverses choses sur la vie au Cap-Vert. Ce soir, ce sera poulet rôti dans une churasqueria populaire : très bon!
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