Ilha de Boavista : Rabil, Povoação Velha et dunes
Il n’y a, nous a-t-on dit à Sal Rei, aucun collectivo pour Povoação Velha : il faut privatiser. Bien sûr. Nous joignons Rabil et verrons les possibilités sur place. Avec 2500 habitants, la principale ville de Boa Vista jusqu’au XIXe s. est aujourd’hui tournée vers l’agriculture. Sa ribeira est en effet l’unique terre fertile de l’île : maïs, haricots, dattes, coco, légumes… Une véritable oasis!
Mais en fait, Rabil a toujours été torunée vers la terre. D’une autre manière : ce four monumental en fournit la preuve.
C’est en effet la poterie qui était l’activité principale de la ville. Mieux, Rabil était le centre d’un commerce intercontinental puisqu’y étaient fabriquées des tuiles ensuite utilisées au Portugal et au Brésil. C’est fascinant, mais ça me laisse quelque peu stoïque.
L’occasion de visiter un petit atelier où sont confectionnées des pièces essentiellement destinées aux touristes, ces fameux souvenirs… Qui ont tout de même le mérite d’être vraiment locaux! Et bien, c’est là que les barrières de mon incrédulité sont tombées…
Pas grâce à ces tortues, symbole de l’archipel jamais croisé. Mais plutôt avec des modèles vus et revus, année après année sur le marché de Barcelos au Portugal, et en particulier ce petit « nègre à zizi rouge » dont la signification et la simple présence m’avaient toujours échapés. Leur lieu de fabrication est un début de réponse dont j’étais loin de me douter!
Nous finissons par trouver un collectivo pour Povoação Velha : ça existe toujours, il suffit d’être patient. Et c’est parti, plein sud, 10 kms à travers la caillasse. Nous avons de la chance car encore dans les années 1990, il n’y avait pas de route qui arrivait jusque là. 10 kms de désert, donc, en tous points.
En fait, il ne fallait pas penser uniquement « dunes type Sahara de carte postale », mais un concentré de déserts de tous types, car malgré tout le paysage est changeant, mais avec cette constante : il n’y a rien, juste des cailloux et des chèvres ; d’ailleurs, le chauffeur m’avertit qu’au Cap-Vert, tout a un propriétaire.
Arrivés à Povoação Velha, rien ne nous y retient. Nous traversons la bourgade pour nous trouver à sa sortie.
Une église abandonnée. Nossa Senhora da Conceição fut construite en 1828, mais ces cloches ne seraient arrivées qu’en 1900.
La plus ancienne église de l’île est à Rabil, São Roque ayant été construite en 1801.
Le XIXe s. vit l’apogée de Boa Vista. Povoação Velha [=vieux peuplement], ne fait pas partie de cette histoire.
[Au loin, vers la plage de Chaves et les dunes]. Perdue au sud de l’île, sous le Rocha Estancia culminant à 348 m., Povoação Velha fut, dès le XVIe s. le premier lieu habité de l’île car elle protégeait ses habitants des attaques pirates.
Habiter sur une île et loin de la mer, c’est un peu ironique… Comme le nom des lieux, d’ailleurs : belle vue, peut-être parce que dégagée? Toujours est-il que du XVIe jusqu’en 1810, Povoação Velha compte dans les 1500 habitants…
Et qu’en plus d’être la capitale de Boa Vista, elle est aussi son unique lieu de concentration humaine!
C’est pourtant un village assez vide que nous avons « visité », d’où notre fuite rapide dans les environs.
Nous avons rendez-vous avec le taxi 2H après notre arrivée pour le retour. Ceux-ci dégustent leur « cervejo », la glace populaire…
Nous, nous avons pu acheter des beignets de poisson et de viande dans une échope bien discrète. Non, pas ici…
Notre attente nous aide en effet à comprendre ce qui se déroule ici. Dans l’échoppe, un capverdien, ancien émigré à Paris, nous a demandé de quel groupe nous étions, sans que nous comprenions le sens de sa question. Nous n’avons vu Povoação Velha que vide, avec ses vendeurs de souvenirs : d’ailleurs pourquoi si nombreux pour ce vide?
Vous avez eu la réponse en images. Durant la journée, comme la veille au Cap de Santa Maria, des groupes entiers de touristes arrivent en quad, s’arrêtent 10 à 15 min., visitent les boutiques qui vendent toutes les mêmes choses et repartent. Pas un pied en dehors de la place… Pas un pied à plus de 20 m. du groupe!!!
C’est ce qu’est l’île de Boa Vista désormais : tournée vers le service et l’accueil des européens en mal de soleil. D’ailleurs, côté soleil, nous n’avons pas eu de chance ici. Ni même côté faune : j’avais espoir que cette photo trouble soit celle d’une des rares Frégates superbe d’Afrique (aka Rabil), mais peine perdue!
Dans le bus, une commerçante sénégalaise (Nous : « vous êtes sénégalaise? » Elle : « Mais il y a aussi beaucoup de capverdiens au Sénégal! ». Malaise) nous explique que la vie est très dure ici, et nous voulons bien la croire… Elle réussit tout de même à financer les études de sa fille à Montpellier. Nous sommes de retour à Rabil.
Ici, le restaurant d’un émigrant de Ponta do Sol, à Santo Antão, ou simplement le restaurant du coucher de soleil?
Après nous être procurés de l’eau et de quoi grignoter chez un épicier chinois à l’air aussi ennuyé que les sénégalais, bien que beaucoup plus ennuyeux, nous mettons le cap sur les plages, en mode randonnée. Ces trous, aussi croisés à Santo Antão, m’interpellent : bâtons de randonneurs? Non, plutôt les pièges de larves de fourmillons.
Notre but et Sal Rei par les dunes ou la plage, nous verrons bien. Toujours le désert, en quelque sorte, un désert qui cache pourtant l’histoire d’un homme d’affaire qui y a prospéré : Antonio Oliveira Martins, dont nous avons déjà parlé.
Presque disparue dans le sable, l’usine de tuiles et azulejos de Chave fermée en 1927. Sûrement une création de AOM.
Nous prenons à droite, vers le nord et la plage des Dunas : la plage de Chaves et les dunes à perte de vue sont à gauche, vers le sud, au niveau de Povoação Velha. Mais nous n’avons plus le temps. Aujourd’hui, c’est le tourisme qui fait le bonheur de quelques investisseurs étrangers : nous commençons à voir où se cache la masse.
Mais durant le XIXe, outre le sel et les tuiles, il y avait aussi la pêche, l’exploitation de l’orsillon de mer (non, ça n’est pas ça)…
… Ou encore de la noix de pourghère. Autant d’activités qui firent de Boa Vista le fleuron de l’économie cap-verdienne, sous la coupe d’Antonio Oliveira Martins puis de marchands que son activité incessante attira -nous avons déjà parlé des Ben Oliel.
Culturellement aussi, Boa Vista a marqué l’archipel de son empreinte.
L’un des principaux styles musicaux de l’île, fruit, à l’instar de ce sable ou plutôt de la population locale, des mélanges et influences européennes et africaines, naquit ici dans les années 1830 : la Morna. Bien que ses artistes les plus connus soient de Brava (Eugénio Tavares, début XXe s.) ou de São Vicente (Cesaria Evora : « Sodade »),…
… C’est sur les rivages de Boa Vista que la Morna fut créée. L’îlot de Sal Rei, en face, sécurisa les conditions de cette naissance.
Nous n’en avons pas écouté sur place, ou en tous les cas pas intentionnellement. Je me demande si c’est un genre de musique qu’ils diffusent dans ce complexe orientalisant -le désert et ses clichés, encore- : 5 étoiles, 750 chambres, 22 animateurs, le tout inauguré en 2009. Un des « resorts » de l’île.
Sur la plage, les vagues dessinent à leur grès, entre sable blanc et sable noir. Les stands et activités sont nombreux, bien que pas vraiment fréquentés en ce jour gris : surf, kitesurf, snorkelling, randos en bâteau…
Aux bonnes saisons, le touriste peut espérer observer des baleines croiser au large ou des tortues pondre sur la plage.
Les locaux aussi se mettent aux activités à la mode, et c’est bien normal. Pourvu qu’ils y excellent, un jour!
Face à Sal Rei, l’îlot homonyme et les ruines de son fort construit par AOM en 1818 pour résister aux nombreuses attaques pirates.
Nous arrivons à Sal Rei. Les deux jeunes surfeurs que nous avons observés en marchant sont sur le point d’attraper quelque chose. C’est un poisson ballon qu’ils nous sortent de l’eau, avant de le relâcher. La nuit tombe… C’est comment déjà? Cerveja, atum com batatas fritas e arroz, grogue velho e… Cama!
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