Ilha do Sal, l’île du sel : Pedra do Lume et Santa Maria
Hier, nous avons privatisé un taxi pour un aller – retour à Pedra do Lume : découverte d’un usage et d’un sacré paysage…
Récupérés à 11H par Nelson, nous traversons quasiment l’île sur un axe sud / nord est pour nous rendre à notre destination du jour. L’île est plate, avec deux ou trois monticules qui se dressent. Surtout, l’île est aride : pas un arbre, pas une herbe.
Le recours à la mer, plus qu’évident, est dès lors carrément indispensable. Et là aussi, je découvre un mode de pêche qui m’était inconnu, quoi qu’il m’a fallu le croiser encore quelques fois pour le découvrir.
L’homme attend, et le poisson se prend au piège des piscines naturelles. Il suffit ensuite de le cueillir. Dit comme ça, ça paraît facile.
Pedra do Lume, littéralement « pierre du feu » : un nom qui doit être dû à la roche issue de coulées de lave qui forme le littoral sur lequel se fracassent les vagues. Nous sommes dans une espèce de complexe déserté,…
… entre quelques habitations et quelques épaves…
Ici, le sel fait son effet sur les carcasses des bateaux qui, jadis, devaient l’exporter. Les locaux parlent de « maresia ».
En fait, le complexe auquel je fesais référence devait être le port à partir duquel le sel extrait dans les environs quittait l’île. Nous sommes donc tout au bout de l’objet de notre visite du jour : il nous faut désormais aller découvrir l’autre bout.
C’est assez étonnant, toujours désertique, avec des installations qui, comme les épaves, nous renvoient à un passé plus florissant.
Cette chapelle, Nossa Senhora da Piedade, serait le 1er pas du projet d’exploitation du sel qui fut mis en place vers 1796.
C’est Manuel Antonio Martins, né à Braga (Portugal), gouverneur du Cap-Vert de 1833 à 1835, qui réunit autour de cette chapelle qu’il fit construire, quelques habitants de l’île voisine de Boavista, ainsi que des esclaves spécialement importés du continent.
Manuel Antonio Martins (ca 1771-1845), fils d’un père espagnol et d’une mère italienne, fit naufrage sur la côte cap verdienne en 1793 en tant que capitaine d’un petit navire açorien sencé commercer avec les Canaries. Par la suite, il devait devenir, en même temps que prospère marchand d’esclaves, l’instigateur de diverses industries dans l’archipel.
A Sal, après la chapelle, c’est ce tunnel qu’il fit construire en 1804, afin d’accéder à une immense réserve d’or blanc…
C’est en millions de tonnes de sel que se calcule le contenu de ce cratère que d’aucuns disent pouvoir contenir un stade de 200 000 places. Côté affaires, la pente restait trop raide pour sortir le précieux minéral de son nid, et le port bien loin bien qu’à moins de 2 kms. Bêtes et main d’oeuvre esclave ne pouvaient supporter longtemps cette charge.
Bien loin de ces considérations, nous nous laissons quant à nous happer pas la beauté des lieux.
Laissé en plan vers 1830, le gisement fut racheté en 1919 par les Salins du Cap-Vert, dépendance française des Salins du Midi qui l’exploita jusqu’au milieu des années 1970. Récemment, ce sont des promotteurs italiens qui ont racheté les lieux à des fins touristiques. C’est ainsi que j’ai pu flotter dans le bassin principal, comme Obélix dans la mer Morte!
A gauche, un bain dans la boue de souffre serait tout indiqué contre les maladies de peau et les rhumatismes : qu’à cela ne tienne, j’expériemente le minimum syndical : 15 minutes dans le bassin de sel, 15 dans celui-ci! Attention les yeux!
Par la suite, balade dans les salines, à 7 mètres en dessous du niveau de la mer, alors que comme sur le rivage des bassins, des croutes de sel se forment sur ma peau et dans mes cheveux : j’aurais pu rapporter du sel pour un an sans le moindre effort, mais la douche paraissait plus indiquée.
Alors que la grande majorité des touristes reste au niveau des bassins qui marquent l’entrée des salines, nous nous aventurons plus en avant.
C’est tout simplement incroyable…
La dernière fois que j’avais expérimenté une telle sensation due à un univers minéral, c’était à Pamukkale, en Turquie. La tranquilité en moins, une bonne dose d’histoire en plus, mais désormais avec la satisfaction d’avoir visité deux lieux uniques…
Le top aurait été, à l’instar de Ray Charles dans une pub automobile des années 1990, de rouler sur le sel…
… encore que, même pas : c’est juste si une de ses chansons en accompagnement m’aurait largement suffi.
Et encore : le vent offre la bande son naturelle et parfaitement adaptée à cette visite. Il suffit de profiter.
Notre taxi, Nelson avait été étonné d’avoir à venir nous récupérer 4H plus tard : pour lui, 2 suffisaient. Nous avons pourtant dû partir en vitesse, tant nous avons profité des éléments : l’air de rien, c’est un véritable parc d’attraction. Enfin, j’exagère un peu.
Sur le chemin du retour, nous raccompagnons le téléphérique installé sur plus d’1 km, jusqu’au port. En 1936, la production de Pedra do Lume atteignait pour la première fois 10 000 tonnes et plus de 200 personnes y travaillaient dans un environnement moderne. Voilà qui est bien loin!
Retour à Santa Maria. Il est 16H et le carnaval des enfants bat son plein dans les rues. Ce sera pour plus tard, le temps d’enfiler une enchilada chez Camara Camara, gargote francophone où nous avons fini la veille devant un steack de thon indescriptiblement bon.
Contrairement à la rue principale, le quartier de notre hôtel offre des scènes locales.
On ne peut pas dire que Santa Maria soit très pittoresque, mais l’histoire de l’île de Sal et de son peuplement suffit amplement à expliquer la situation. De manière générale, il ne faudra pas s’attendre à un patrimoine architectural exceptionnel : c’est l’idée à intégrer. S’il n’y a pas grand chose à attendre côté monuments, d’autres signes ne trompent pas.
Nous sommes bien dans une ancienne colonie portugaise où les locaux suivent le championnat de football portugais. Si Benfica semble reccueillir la préférence, le Sporting Portugal y a aussi ses adeptes. Nani, par le passé, et aujourd’hui Gelson Martins, sont deux excellents joueurs portugais d’origine cap-verdienne qui y ont fait leurs classes.
Nous fuyons donc loin du brouhaha de cette fin d’après-midi, vers l’extérieur de la ville où j’ai aperçu, depuis la route, de vastes plans déserts. La curiosité nous y pousse donc et, loin de les soupçonner, nous arrivons dans de nouvelles salines.
On pourrait les croire récentes, mais elles ont une histoire qui se substitue à celles de Pedra do Lume.
Echaudé par son expérience précédente, Manuel Antonio Martins n’abandonna pas pour autant ses projets à Sal, dont il avait été nommé administrateur dès 1805. En 1830, il fonde Santa Maria das Dores, aussi connue à l’époque comme Port Martins, où nous séjournons.
Le village situé au Sud de Sal voisine un terrain salé couvert par des alluvions qu’il fait déblayer pour dessiner les marais salants.
L’installation de pompes et d’un port dans la baie située en contrebas assuraient la viabilité de l’exploitation du sel et de son exportation. L’innovation ultime consistant en l’installation de rails de la saline jusqu’au port. Commandés en Angleterre, ils constituent sinon la première voie ferrovière portugaise, la première en territoire portugais d’outre mer!
Dès lors, le déplacement du sel jusqu’au port se fait par wagonnets, par traction animale bien aidés par le vent puisque des voiles y étaient montées sur un mat. Le système perdure même avec l’arrivée d’une locomotive, lorsqu’elle est en panne, jusque dans les années 1950.
Les salines de Santa Maria ne ferment qu’en 1984, avec la fin des exportations vers le Brésil et le Congo.
Quant à nous, nous profitons tout simplement des couelurs et des formes…
Et puisqu’il est temps de rentrer se reposer un peu, nous faisons une halte au carnaval des enfants.
Musique vrombrissante, bonne humeur, jeunesse en ébullition pour un évènement annuel autour duquel nous avons articulé notre voyage au Cap-Vert.
Pour notre dernière soirée à Sal, ce sera repas dans la rue principale vouée aux touristes, tout en musique et terrasses dans la rue, puis un passage au Reggae Bar, « On The Roof » façon Mighty Diamonds mais sans eux dans la bande son : trop contemporains, les DJ’s, connaissaient pas Alton Ellis non plus. Tant pis!
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