Ilha de Santo Antão : randonnée par Pinhão
Un levé pas plus matinal que d’habitude, ce matin. Et pas plus tardif non plus : le déjeuner se termine à 9H30, nous n’avons donc pas trop le choix. Il s’agit ensuite de choisir la randonnée du jour, parce que ça se fait un peu sur le tas. Ce sera par Pinhão, mais il nous faut un taxi : nous nous voyons mal grimper ces hauteurs à pied.
Et pour cause… Le taxi nous fait payer le prix fort puisque pour le coup, nous avons privatisé le collectivo…
Mais ça n’est pas comme s’il nous avait mis le couteau sous la gorge. Et puis vue la montée, autant dire que nous sommes soulagés.
Voilà qui confirme mes doutes : d’en bas, on ne soupçonne pas la vie qu’il y a en haut. Bon, on a déjà remarqué que nos rares interlocuteurs, à savoir ces fameux chauffeurs de taxi, font tout pour entretenir le mystère : « aucun bus / taxi ne monte là haut régulièrement », mais c’est bien sûr!
Arrivés là-haut, nous sommes… Sans mots!
Ebahis, époustoufflés par le spectacle… Des montagnes, des vallées, des terrasses…
Et des hommes… Dur de s’en douter depuis le bas de l’île, je n’en reviens pas. Si j’ai bien démmêlé les relevés topographiques de la carte entrevue ce matin à l’hôtel -nous partons comme ça, à peine si nous avons de l’eau-,Nous sommes montés d’un coup à environ 400 m. d’altitude.
Une altitude où la nature et les hommes ont plus ou moins collaboré pour mettre en place des cultures qui font de l’île de Santo Antão l’une des plus agricoles et productives du pays. D’ailleurs, São Vicente, en face, est un débouché tout trouvé pour sa production.
Là-bas, tout en bas, Ribeira Grande. Nous cherchons un fameux cimetière qui se trouverait dans les environs, mais en fait, nous sommes montés 300 m. trop haut. Tant pis!
Nous décidons donc d’aller de l’avant, de papayer en papayer, de vallée en vallée…
Nous arriverons bien quelque part, avec la bénédiction de la Vierge.
La chaleur est supportable, il fait dans les 25°, comme d’habitude, et le soleil ne tappe pas, c’est nuageux.
Qui plus est, nous empruntons des chemins qui finalement, sont relativement plats : nous n’entamerons une descente abrupte que lorsque nous déciderons de rejoindre la côte et Ponta do Sol. Pour l’heure, nous visons Lombro Branco. Mais j’ai l’impression qu’ici, c’est Monte Joanna.
Mon unique regret, s’il y en avait un, est que ce soit aussi sec, à cette époque de l’année…
On ne voit pas donc tout ce qui est cultivé sur l’île. Les agaves, ou sisais en portugais, tapissent les paroies les plus raides.
La saison des pluies, c’est entre août et novembre. C’est donc un choix cornélien qu’il faut faire en cas de retour, entre la période du Carnaval et celle des pluies.
Ou encore celle de la cueillette, car ça doit finalement être celle où la végétation est la plus luxuriante!
Ca y’est, nous avons atteint le Monte Joanna et ce que je pense être Abobada.
Nous visons désormais Lombo Branco, de l’autre côté de la vallée. Il suffit de contourner les vallées, par derrière.
Nous tombons sur nos premiers toits de chaume. Etonnant! IL y en aura d’autres.
Epoustoufflant, n’est-ce pas? Notre guide -le livre- annonçait que Santo Antão était l’île des superlatifs. C’est la chose la plus véridique que j’y ai lu!
Et ces terrasses où sont cultivées bananes, canne à sucre et autres cultures vivrières, c’est d’une beauté!
Nous hésitons, bien que nous n’ayons jamais été dans les Andes ni en Asie du Sud-Est, mais il nous semble voir un sacré mix des deux!
Ces terrasses ont en fait plusieurs fonctions. Evidemment, les terrains plats facilitent les cultures. Elles ralentissent aussi l’érosion…
… Lors des pluies violentes qui charrient jusque vers la mer des tonnes de terre. Un aménagement de ces lieux a été nécessaire, donc, d’autant que cette partie de Santo Antão est riche en eau, cette eau qui fait défaut dans bon nombre d’autres îles, comme celles que nous avons déjà visitées.
La question que je me pose souvent, c’est le coût humain d’un tel aménagement et de son entretien…
Tout semble comme neuf, il n’y a pas de ruines, de muret étalé, ou si rarement… Et ce système, est-il ancien ou récent?
Aucune idée, et je n’ai pas pensé à poser ces questions primordiales pour comprendre les lieux. Nous sommes à Lombo Branco.
Au moment où je décris cette fabuleuse journée, je lis un roman de Teixeira de Sousa, « Un Domaine au Cap-Vert », dont l’action se passe à Fogo dans les années 1960. Y est évoquée cette fameuse question des terrasses à construire pour éviter l’érosion. Voilà qui m’invite à penser que jusque récemment, le système n’était pas aussi généralisé qu’on le voit ici. Mais c’est à prendre avec des pincettes.
Le fait que, avec l’indépendance, les cap-verdiens gèrent eux-même leurs propres terres a aussi pu les amener à adopter de meilleures méthodes.
En tous cas, les rares personnes que nous croisons ici, et c’est de toute manière l’image que nous laissent ces monts et vallées, ce sont des travailleurs, en bonne santé physique, secs et soucieux de leurs terres. L’habitant de Santo Antão est un paysan au sens le plus noble tu terme.
Tout ça à quoi? 1 km de la mer, suspendus 400 m. au dessus? Fascinant…
Gageons que ces enfants ne se posent pas les mêmes questions. Il leur viendra bien assez vite l’idée de vouloir partir.
Alors c’est sûr, c’est reculé, coupé du monde, mais…
Il y a toujours quelque chose proche du merveilleux qui émane de ce genre d’endroit. Les aloé véras me contrediraient-ils s’ils le pouvaient?
Chemins qui serpentent sur les crêtes, chemins qui serpentent jusque dans les vallées, le tout très bien entretenu…
Il va être temps de redescendre. Dès que nous en aurons l’occasion. Nous avons pris la direction de l’océan, cette fois.
Ca semble bon… Mais…? Mais comment s’y sont-ils pris pour monter tous les matériaux de construction? C’est tout bonnement incroyable!
Les habitants des lieux sont tout simplement des gens vaillants et courageux, je ne vois pas d’autre explication. Au bout, tout là-bas, Ponta do Sol. Nous allons entamer la descente, croisant des locaux revenant de la ville dans une montée que j’ai bien du mal à imaginer…
Car la descente est elle-même un sacré challenge pour les mollets! C’est au niveau de la carrière vue la veille, avant Sinagoga, que nous arrivons.
Arrivés à Ribeira Grande, nous nous restaurons : c’est bien mérité… Beignets de poisson et autres snacks locaux. Des Mandingas se préparent.
Je pensais qu’ils ne sortaient que pour le Carnaval. On m’explique que c’est les dimanche un mois avant et un mois après le Carnaval.
D’ailleurs, au même moment, ils ferment la période du Carnaval à Mindelo. Voilà qui dépend donc des endroits.
L’incarnation du Carnaval, encore? Je ne comprends pas grand chose à ce qui se passe, mais le mystère aide à la fascination…
Je sentais les Mandingas de Tarrafal un peu méfiants, l’impression que notre présence, appareil photo en main, les gênait.
Et puis ça s’est décanté… Nous avons fait partie du paysage le temps de notre présence.
La sono et la musique vrombrissante, à coup de basses, l’ambiance, ont fait le reste.
Ce sont les préparatifs pour le départ, je pense qu’un tour de la ville va s’ensuivre.
Tout ça a un côté inquiétant, et pourtant, seuls les airs et le maquillage sont béliqueux. Nous les laissons vaquer à leur fête.
Nous avons une dernière petite randonnée à faire : on nous a dit où se trouvait le cimetière recherché. Nous devons monter au dessus de la ville et donc forcer un peu plus sur des jambes légèrement meurtries! En passant au milieu des élevages particuliers de porcs. Et oui, c’était donc ça! Voilà pas moins de quatre fois que nous passons à côté sans comprendre : c’est la bonne!
Et puis, 100 m. au dessus de la ville…
Un lieu de repos éternel, tourné vers l’océan et cet extérieur que certains ont vu, d’autres jamais…
Oui, ça fait aussi haut! Le Monte São Miguel, où nous sommes, serait à 200 m. d’altitude que ça me semblerait plus crédible. Il faut que je réaprenne à lire une carte topographique, ou alors la mienne n’est pas assez détaillée!
Il est temps de redescendre et de rentrer à Ponta do Sol : encore 4 kms. Des porcs chercheraient-ils à s’échapper? On se tente un bbq?
Non, on rentre, c’est l’heure pour les chèvres aussi! Ce soir, on mange à nouveau chez Vony puis repos bien mérité…
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