Vallée de Viñales
Voilà des années que je n’ai pas fait de cheval et je dois faire des photos tout en confrontant mon espagnol rouillé aux indications de Yankiel, mon guide… Sans oublier d’admirer le paysage. Ici le Mogote de los Organos .
Nous sommes partis du Coco Solo , un mogote isolé tout proche de la ville, et avons pris les chemins entre cultures de maïs, haricots, yucca (manioc) et autre malanga (igname)…
C’est la saison des labours dans de nombreux champs. Il se trouve que c’est le tabac qui est cultivé dans ces derniers! Le même tabac qui donne les havanes.
Comme le paysage, certains arbres sont spectaculaire. La ceiba attire systématiquement mon attention : c’est en fait un fromager. Yankiel me dit qu’ils ne sont jamais abattus, ayant un caractère spirituel. Ce qui ne m’étonne guère.
Ma randonnée doit durer 5H et est ponctuée de visites dans des domaines, les fincas . Ici, la finca de tabaco Juan Luis, où on m’explique comment sont fabriqués les cigares. Après récole et séchage dans ces fameuses huttes de chaume, les feuilles de tabac sont fermentées dans des boîtes en palme durant 4 mois, ici…
… Et chimiquement et plus rapidement à La Havane. Chaque étage de feuilles de la plante – il y en a 6 : de bas en haut libre de pié , uno y medio , centro ligero , centro fino , centro gordo et corona – donnerait une marque de cigares : ici, il roule des centro fino , selon lui les meilleurs, qui donnent la marque Cohiba (assez peu probable, en réalité). Ici, graines de tabac.
L’Etat envoie les récoltes à La Havane où sont fabriqués les cigares.
Chaque planteur peut garder un pourcentage de sa récolte et en faire l’usage souhaité. Evidemment, les touristes sont de bonnes cibles. J’achète moi-même une boîte de 10 cigares pour 40CUC. Et suis fasciné par l’aura qu’a gardée le Ché, dont on voit régulièrement des portraits. Ou simple folklore?
Nous avons repris la rando… A la faveur d’une grosse averse, nous rejoignons un abri où se trouve déjà un paysan croisé peu avant : Andres Martinez avait 18 ans lors de la Révolution, en 1959. Il travaille au quotidien dans son champ de tabac.
Il était entrain de labourer à l’aide de son « tracteur naturel ». Ces boeufs sont des créoles, et ceux vus précédemment étaient des zébus. Il est interdit de les abattre pour consommation : ce sont des animaux de somme.
Après avoir gravi une pente assez forte, nous nous arrêtons à un point de vue squatté par un débit de boisson. Le moment de prendre un café, quand c’est mojito pour mon guide. Il n’est pas encore midi! Au loin à droite, Mogote Zecacias et derrière, coopérative Républica de Chile.
Yankiel m’explique que Castro était ami avec Salvador Allende, éphémère président du Chili. Repartis, nous recroisons el señor Martinez , cigare au bec.
On devine ici une grosse libellule, surnommée « cigare » au vu de sa taille!
Les mogotes sont des structures géomorphologiques propres aux Caraïbes. Ce sont généralement des collines calcaires de strucutre arrondie relevant de la topographie karstique tropicale. Selon une légende locale, se sont les pilliers d’une immense grotte qui se serait effondrée suite à l’éternuement d’un dinosaure…
Pourquoi pas… Elle aurait été immense, alors! En discutant avec Yankiel, il me dit pouvoir considérer qu’un cocotier indique souvent la présence d’une habitation… La randonnée continue, nous prenons notre temps : j’ai pris la version XXL!
La saison des pluies vient de prendre fin, et certains passages sont assez délicats.
Nous nous arrêtons à nouveau, dans un lieu appelé Valle del Silencio . Mon guide prend un rhum et me laisse quartier libre.
Il y a un grand étang et je traîne autour… Je n’ai pas vu un seul engin motorisé aujourd’hui, pas même une moto, et c’est tant mieux!
Au loin, le Mogote de la Esmeralda . Sous la ferme à droite, des grottes del Silencio que nous avons rapidement visitées. Les grottes sont nombreuses dans la région, parfois agrémentées de peinture rupestres modernes. Il faut être motorisé pour les visiter et je m’en passerai. Ce qui est saisssant ici, presque lourd, c’est le silence. La vallée porte bien son nom.
A la Finca El Campecino , Leandro Santiago Banos Sanchez m’explique dans un français parfait l’origine du rhum Guayabita del Pinar . Bon et tentant mais j’ai un mois de voyage. Leandro a 26 ans et est un fan de Piaf, Aznavour et… Serge Lama : il entame Je suis malade et me dit économiser les 3000 CUC nécessaires à l’achat d’un visa pour la France. Celui pour Cuba m’a coûté 20CUC environ.
Sur le domaine, du café est également cultivé : il y a à la fois du robusta et de l’arabica . La récolte s’étale sur plusieurs mois et la production locale mélange les deux variétés.
Nous sommes arrivés par l’arrière du Coco Solo , la rando est terminée. Après m’avoir montré son élevage de coqs de combat, Yankiel renouvelle l’invitation faite ce matin à manger avec sa famille et des amis le cochon de lait tué la veille… J’accepte et c’est avec un Havana Club Especial 3 años que je fais mon premier apéritif cubain!
Le repas – cochon de lait grillé accompagné de magnoc et de… rhum! – est excellent et la glace est brisée avec tous les présents, dont mes hôtes. Entre plaisanteries et questions, j’entrevois leur vision un peu biaisée des européens. Bon, je dois avouer que nous vivons à priori mieux qu’eux, mais dans des conditions très différentes dont ils n’ont pas toujours conscience. Mais ça reste un échange très enrichissant…
Où j’apprends qu’Yilianis, travailleuse sociale, gagne environ 40CUC par mois. Quintana estime que pour loger et manger, il faut en moyenne 250 CUC mensuels à Cuba. Normal que mon salaire leur paraisse énorme! J’abrège vers 15H, car le rhum coule assez facilement. Yankiel ne veut pas un CUC de plus que ce que j’ai payé pour la rando (25CUC) et j’en suis d’autant plus touché. J’ai passé une demi journée mémorable.
Je rentre à Viñales à pied, au grand étonnement de mes hôtes, mais je veux en profiter, prendre le temps : pas pour rien que j’ai pris le parti de la verdure dès mon arrivée sur l’île. Au loin, le Coco Solo .
Je passe le reste de l’après-midi à me balader et me mettre à l’heure locale.
Non sans une douche, bien nécessaire après le cheval, et un peu de repos! La maison de mes hôtes se présente comme toutes les autres à Viñales, avec sa terrasse et ses deux fauteuils devant. Ici, le petit déjeuner se fait sur le toit, avec vue imprenable.
Cette semaine est celle de la culture, à Viñales : de fait, de nombreux petits étals ont été installés dans la rue principale, ainsi que des sono. Le soir venu, la rue est noire de monde, avec y compris des groupes de musique proposant des rythmes locaux qui ne me sont pas très communs.
J’entrevois également de sacrés couchers de soleil pour mon séjour! Je prévois d’en faire un de mes buts demain. Pour l’heure, je vais un peu profiter de la fête…
Mais pas trop tard, car la journée a été chargée. Retour à la maison, repos mérité… Ici les cubains n’ont rien à cacher et vivent portes ouvertes… Je comprendrai de mieux en mieux pourquoi au fur et à mesure de mon séjour. Hasta mañana.
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