Valle de los Ingenios
Lever 7H30, nouvelle discussion enrichissante avec Marcia puis départ pour une rando moto dans le Valle de los Ingenios . Mes deux dernières virées moto, en Turquie et au Brésil , auraient pu faire de moi un fan absolu. Ca n’est pas le cas mais il y a pire.
Nous avons pris la direction d’Iznaga, à 15kms. On aperçoit le Mirador de la Vigia d’où j’ai assisté au coucher du soleil, à gauche. La vallée des sucreries (=les ingenios ) s’étend sur 225kms² , de Trinidad en direction de Sanctis Spiritus, sur 3 vallées et une 40aine de kms.
Mon guide, qui m’indique que la plante rempante que j’ai pris pour le kudzu est le bejuco (guaco en anglais), m’explique que 500 eucalyptus ont été plantés ces dernières années, pour les 500 ans de Cuba. Une plante envahissante de plus, si j’en crois l’expérience portugaise.
Il faut imaginer ce paysage planté de canne à sucre…
A l’instar de l’élevage des zébus – cébu cubain, en fait – , le climat de Cuba est propice à la production de la fameuse plante qui finit d’intégrer l’île dans un commerce à l’échelle du monde.
Alors que Trinidad vivait plutôt de la piraterie et de la contrebande jusque-là, la culture de la canne à sucre lui a apporté richesse et prospérité aux XVIIIe et XIXe s. : en 1846, c’est le 4e pôle commercial de Cuba.
Cultivée depuis la nuit des temps en Inde, où le sucre est cristallisé depuis ca 350, la canne à sucre est connue des Grecs depuis le IVe s. av. JC. Les 1ers Croisés en trouvent en Palestine et dans le monde arabe, avant que sa culture soit étendue à l’Andalousie, puis l’Algarve au Moyen-Age.
Vers 1420, les Espagnols étendent sa culture aux Canaries et les Portugais aux Açores et à Madère. Puis au Brésil au XVIe siècle, couplée à la traite négrière. Cette main d’oeuvre servile composait à Cuba aussi l’essentiel de la population des sucreries, telles celle de San Isidro, ici.
On compte plus de 70 sucreries en ruines dans la région, et il y en eut jusqu’à 50 en activité. Si l’importation d’esclaves était limitée avant 1789 à Cuba, où l’on n’en compte que 44 000 en 1762 et 85 000 en 1790, essentiellement employés dans les plantations de café du Sud-Est…
… Cette population passe à 287 000 en 1827, alors que Cuba a dépassé le Brésil en volume de production de canne à sucre. De 1790 à 1867, Cuba importe au total 780 000 esclaves.
Au cours du XIXe s., 55 % des esclaves déportés vers l’Amérique sont allés au Brésil, 30 % à Cuba. San Isidro comptait un four à sucre de type « train jamaïcain », autre visage de mondialisation de cette économie intègrant petit à petit les derniers progrès industriuels..
Le domaine où je me trouve comptait absolument tout l’attirail d’exploitatin sucrière, jusqu’à la distillerie pour la fabrication du rhum, alimenté à grands renforts d’eau.
La ceiba , le fromager, attire toujours mon attention… Ils sont rares mais remarquables.
Depuis la tour centrale au domaine, la surveillance était optimisée…
Pendant que les maîtres jouissaient du confort et de la fraîcheur niés aux travailleurs.
L’esclavage a duré de 1511 à 1886 à Cuba, colonie européenne où il fut le plus long. Il n’y est aboli que juste avant le Brésil, la même année. En sus, des prisonniers mayas furent déportés, ainsi que des égyptiens et syriens, et quelques 150 000 chinois entre 1847 et 1874, tous envoyés aux champs et accompagnés de quelques migrants européens.
Je zappe. Reiner, 43 ans, est l’heureux propriétaire d’un Suzuki 125, une marque japonnaise m’explique-t-il. C’est dire l’exclusivité du modèle ici, pourtant loin d’être dernier cri, mais gage de qualité.
Nous reprenons la route. Je ne vais pas compter les fromagers mais ils savent se signaler.
Nous voici à Iznaga, où la Torre Manaca me paraît l’exemple ultime de sadisme.
7 étages pour ce campanile désormais nu de ses cloches, 7 étages et 45 mètres de hauteur pour surveiller les alentours. On a du mal à imaginer l’étendue de la plantation de ce propriétaire!
Vers Trinidad et la mer des Caraïbes…
Avec la Sierra Escambray qui n’ a pas bougé.
A ma descente, je m’offre un jus de canne. CR7 officie mais à l’heure actuelle, il est toujours moins représenté que Messi.
J’aurais pu faire cette visite en train. C’est au cours des années 1840 que le réseau ferrovière cubain, le plus sophistiqué d’Amérique du Sud, a été construit, presqu’exclusivement à l’usage de l’industrie sucrière. L’île bénéficie ainsi des progrès de la Révolution industrielle.
Je n’aime pas la clim’ des autocars modernes et j’aurais également pu faire comme les locaux, en camion benne.
Tous les moyens sont bons pour se déplacer, l’important étant de pouvoir se déplacer (compte rendu réalisé durant le confinement « mondial » de mars – mai 2020).
Depuis un platanar, el planton de platanos , une bananeraie. J’ai un bus pour La Havane à 15H pour un peu près de 400kms et une arrivée prévue à 21H. Notable, ce sera via Playa Gijon et la fameuse Baie des cochons.
Mon avion pour la Jamaïque est demain à 18H15. Nous rentrons donc. Le bois de fromager est très tendre et ne résiste pas toujours aux éléments…
Plus loin, sur la route, nous voyons un atroupement d’aura tegnosa – dixit Reiner -, des vautours.
Un cheval a été littéralement blanchi. Reiner me dit que les cubains n’aiment pas trop ces oiseaux mais qu’ils sont nécessaires au cycle de la vie. Je crois avoir déjà vu similaire .
Il est temps des adieux avec mes super hôtes. Marcia tente de me donner un avocat de la taille d’un ananas, mais je refuse. Elle me dit aussi que la Jamaïque est vue comme très inégalitaire. Rien d’étonnant vu d’ici.
Je ne retrouve pas le bar entrevu avec ses statues 1/1 des Beatles mais m’accorde une pause acras de morue dans une belle cour envahie de touristes. En pantalon et veste à capuche, j’embarque dans un bus surclimatisé aux vitres teintées, passant de 35 à 16°. Pas de Oldsmobile pour moi!
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