Santiago de Cuba
11H environ… Me voici dans la Sierra de la Gran Piedra, à environ 450 marches de rallier son point culminant, à 1216 m au dessus de la Mer des Caraïbes… Qui n’aura de cesse de se cacher à ma vue.
La chaîne montagneuse se trouve dans le parc naturel de Bocanao, créé par Fidel Castro.
C’est le plus grand parc naturel cubain, également inscrit à l’Unesco comme réserve de la biosphère. A croire que chaque île a son propre écosystème…
Voilà qui ne manque pas de me ramener à mon ascension du Blue Mountain Peak, en Jamaïque ! C’est d’autant plus marquant que, si elle s’avère plus aisée, le temps est le même…
Si la faune s’y dérobe moins à mon regard que les colibris jamaïcains…
La flore y est en tout point ressemblante : pour moi, ce ne sont que des fougères où le spécialiste notera sans nul doute bien des espèces…
La journée, après une nuit fort répératrice et un de mes meilleurs petits déjeuners cubains, a commencé un peu sur le tard. Comme à Viñales en début de séjour, j’ai pu profiter du réseau familial de mon hôte, pour cette sortie.
Sous un portrait encadré de Bob Marley assorti d’une feuille de ganja, je choisissais de gravir cette grande pierre…
Pour 80 CUC, le cousin Ramon m’a conduit sur une 40aine de kms en dehors de Santiago et gravi au delà de 1000 m pour une visite à travers le paysage qui vit naître l’industrie caféière sur l’île : encore un point commun avec les Blue Mountains, mais surtout la conséquence de l’indépendance de Haïti.
Le choix était difficile, l’alternative à l’est de Santiago étant le nord et le Monumento al Cimaron, qui m’aurait encore renvoyé à l’une de mes visites jamaïcaines , sur ces fameux monts qu’au delà du port, je regardais la veille .
Rien d’étonnant, juste l’histoire des lieux qui le veut, mais c’est intéressant de découvrir ces similitudes sur place, en dehors et bien au delà du triptyque soleil – palmiers – eau turquoise.
Entre deux nuages, je devine quand même la mer une fois au sommet…
Je me délecte de l’air pur et de la fraicheur, même humide. Evidemment, j’aurais aimé pouvoir apercevoir Haïti et la Jamaïque, comme l’évoquent les guides, mais je me contente avec satisfaction du paysage de la Sierra de la Gran Piedra, en dessous de sa station météo.
C’est dans ce même massif que Fidel Castro, lors d’une première tentative insurrectionnelle en 1953, fut capturé par les forces de l’ordre cubaines…
Pour être aussitôt relâché par le fonctionnaire qui lui aurait voué une certaine sympathie, avant de s’y rallier quelques années plus tard.
Je rejoins Ramon qui m’a attendu au pied du sommet, et croise quelques touristes locaux.
Nous nous rendons désormais au Cafétal la Isabélica : c’est le nom de la plantation de café et musée en plein air qui sert de témoignage de l’histoire locale. Les alentours, que nous traversons à pied, sont eux des témoignages de l’histoire contemporaine de l’île.
Bien qu’avec des airs pour le moins traditionnels. Mais après-tout, rien de mieux que de la bio-architecture!
Le moment où jamais pour boire un café local : après avoir eu du mal à en trouver à Santiago, il s’agit d’en profter. Sa torréfaction est douteuse à mes yeux : le grain paraît au delà de grillé, carrément brûlé et noir sur son extérieur. Le breuvage a une pointe d’acidité, ce que j’appelle « vert ».
Ca n’est pas le café espresso à l’italienne que j’affectionne tant, mais il me renvoie au café jamaïcain et cette même note verte n’est pas sans me rappeler celui du Cap-Vert . Reste la longueur en bouche, moindre que celle du doux Blue Mountain. Il faut imaginer les caféiers envahissant ce paysage durant tout le XIXe s.
Aujourd’hui, Cuba n’est pas connue pour son café. Sûrement la faute au régime castriste qui d’un côté, empêche les multinationales du grain or de l’y exploiter, et d’un autre, toute entreprise privée de se lancer sur place, y compris sur le modèle éco alternatif.
Au loin, le sommet de la Gran Piedra et sa station météo.
Nous sommes sur la terrasse de la Isabélica, où les récoltes de café étaient mises à sécher avant la récupération du grain or – le grain de café avant torréfaction. Au dessus, la maison du maître, avec au rez de chaussée, une cuisine et des entrepôts pour les outils, le café et les instruments d’entrave des esclaves.
Victor Constantin Cuzeaux, colon français fuyant la Révolution haïtienne, a fondé La Isabélica en 1812.
La partie résidentielle de sa maison a été reconstituée en 1961 à l’aide de vestigers de plantations alentours.
Seule la partie située en rez de chaussée avec ses différents entrepôts, est originale, creusée en partie à même la pierre. Les instruments exposés viennent comme le mobilier de l’étage, des alentours.
Légèrement en retrait, le terrain où se trouvaient les barraquements des esclaves… Le vestige présenté en dur est cette fois une reconstitution maladroite des lieux. La Isabélica est la plus petite des plantations de la région ; elle a exploité de 25 à 70 esclaves en simultané durant son existence.
Le café a été introduit à Cuba en 1741. Les plantations de la région étaient toutes construites sur le modèle reconstitué en 1961 à La Isabélica et par la suite inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco en 2000.
Quelle jungle…
Elle n’a pas toujours été aussi sereine que belle, c’est pourquoi se souvenir est important, car rien d’autre ne présage de l’histoire des lieux et de ce que nous buvons au quotidien, coimme un rien.
Retour à la voiture. La fameuse Opel 1959 de Ramon qui a grimpé un 1000 m. avec des forces insoupçonnées. Elle lui a coûté 4 000 US$ à l’achat et il y a investi, me dit-il, 37 000 US$ : évidemment, vitres électriques et système son font partie du lot, ça n’est pas une restauration à l’identique, mais il y a encore de quoi faire. Je suis dubitatif mais néanmoins admiratif.
Nous faisons un arrêt dans la descente : les vues sur la côte sont rares, mais le ciel s’éclaircit au fur et à mesure.
Vue sur le parc naturel de Baconao, vers l’est… Ramon a 33 ans. Il a par le passé été travailler dans le bâtiment en Colombie, en Bolivie, au Chili et même au Brésil, à Manaus, où il me dit que le portugais était trop compliqué. Il est rentré car il a un enfant et puis, finalement, il préfère être à Cuba, même avec les difficultés.
Il est 15H, nous sommes dans la vallée. La police nous arrête. Ramon passe quelques minutes avec le fonctionaire qui, évidemment, le taxe : à chacun son dû, il faut bien faire ruisseler l’argent quand il y a un touriste dans la voiture. Heureusement, sous la Gran Piedra, il y a des zébus!
Et puis, il y a nombre de monuments apparemment dédiés à la première insurrection menée par Fidel Castro le 26 juillet 1953, contre la caserne Moncada à Santiago, la ville héroïque.
A ma demande, car il me reste peu de temps et je veux tenter pour le moins 2 musées, Ramon me laisse en banlieue de Santiago, à la Casa de las Religiones populares. Du moins c’est ce qu’il croît, vu qu’il me laisse à la Casa del Caribe.
Là, je me rends compte que je ne suis pas au bon endroit : je veux voir la Casa de las religiones populares où la guide de la Casa del Caribe s’empresse de m’emener… Elle m’y négocie photos et se propose en guide… Ca ne sera pas gratuit!
En gros, une 30aine de CUC et comme elle ne lâche rien, j’abandonne mon essai de négociation. Sa journée a dû être dure, je suis le pigeon! Mais l’endroit est bien aménagé…
Belle scénographie, lumineuse, colorée… J’aimerais reconnaître les divinités de la Santeria et la guide me propose d’y écrire un e-mail par la suite, bonne manière de remettre à jamais. Ici, Yemaya , orisha des océans et de la maternité, si j’en crois les vagues peintes sur son corps.
Ogun, orishas guerrier et maître des métaux, un équivalent de Saint Pierre ; avec son chien, est aussi un grand chasseur et ami d’Osaïn, à droite, borgne, manchot et boîteux, maître de la nature et de toutes les herbes qui soignent ou ensorcellent. Au fond, une pièce abrite les portraits de prêtres qui ont maintenu le culte de la Santeria.
A gauche, on aperçoit une de ces compositions typiques de statuettes chrétiennes et autres trahissant le culte syncrétique. Cette petite mise en scène obéit à des règles bien précises malgré l’impression d’improvisation… Pour le reste…
Aucune idée de ce qu’il en est. C’est étonnant…
Mise en scène de sacrifices? Mon guide n’est pas bavard et en plus de ça, je commence à être pressé et quitte les 22 orishas.
Sans parvenir à faire baisser le prix exorbitant de cette escapade dans le très agréable quartier qu’est Vista Alegre, je trace vers le centre ville dans l’espoir de pouvoir visiter soit le musée du rhum, soit le musée Bacardi.
Les témoignages du métissage de la société cubaine ne manquent pas.
C’est raté pour les musées que j’avais gardés en réserve : ils ferment relativement tôt et j’ai passé trop de temps dans la rue, à pied. Rien de grave, je finis près du musée du rhum, entre la gare et le port, devant une partie du sport le plus populaire du monde! Le baisebol n’a qu’à bien s’accrocher!
Mon bus part pour La Havane à 22H : après m’être restauré, je passe chez mon hôte où je sympathise avec la mère ; elle me conte les difficultés de la vie à Cuba et l’importance de son fils et de son cousin, Ramon, pour s’en sortir. Nous nous souhaitons bonne continuation et je reprends la route… A demain!