Blue Mountains Peak
Heureusement, j’ai mon smartphone. Levé 1H, café et 1000 m de dénivelé sur 4H après que mon guide m’ait dit « look my feet and follow up », après1km côte à côte. A l’heure de redecsendre, on va voir ce que nous avons gravi en mode zombie.
Forêt d’elfes, altitude 2256 m, nous sommes sur le toit de la Jamaïque. Mon objectif était d’assister au lever du soleil sur l’île, chose faite sans la vue qui porte, les jours de temps clair, jusqu’à Cuba.
Mon guide m’émène sur le versant ouest : il est 6h. J’ai eu 2 secondes sans nuage : c’est époustoufflant.
Un pas de travers et je tombe très très (très) bas…
Je partage mon casse croûte avec Hopeton : on a plaisanté sur son nom au début, car il s’appelle Willis et que moi, je connais Lewis (1947-2014) . Il a 51 ans et a 2 filles qui vivent à Kingston.
Le football est son sport favori. Il est fan de Manchester United mais actuellement préfère regarder Liverpool.
Hopeton fait la rando 2 fois par jour. Il y a 10 ans, il mettait 2h pour la faire. Le chemin est étroit, à flanc de montagne ; il y a la forêt mais une chute en bas pourrait être méchante, et je n’en prends conscience qu’à la descente.
La forêt fait partie du 1,2% des forêts de nuages d’Amérique, sur l’ensemble des ses forêts tropicales.
C’est une forêt de nuage du fait d’être plongée dans les nuages la plupart du temps. Ca en fait une forêt tropicale d’altitude et humide, avec de nombreuses espèces végétales uniques au monde, ce qui est aussi le cas pour certaines espèces animales.
La dernière fois qu’il a gelé sur le Peak, c’était en 1999. Les chemins que nous empruntons ont été ouverts par les Maroons, ces anciens esclaves échapés. Une fois le traité de paix signé avec les Anglais, en 1739, ils devinrent des chemins de randonnée recherchés.
Hopeton m’explique que la Jamaïque est un beau pays mais très dangereux. Beaucoup de gens n’aiment pas travailler…
Et les jeunes aiment les armes. Il y a donc donc beaucoup de criminalité.
C’est un paradis pour la production de marijuana, coca et autres drogues.
Lui même fume et pour lui, peu de jamaïcains ne fument pas de weed . Sur l’île, sa possession a été dépénalisée en 2015.
Ceux qui en parlent en mal n’ont selon lui rien compris. Il a sa propriété et produit du café et parfois un peu de weed .
Pour Hopeton, il y a 2 sortes de gens ; les bons et les mauvais. Si je salue quelqu’un et qu’il ne me répond pas, je passe mon chemin. Selon lui, accompagné, Trenchtown devrait bien se passer, mais je dois surtout éviter Tivoli Gardens et Spanish Town, ainsi que de me mettre sur la route des gangs.
Il a des amis qui ont disparus du jour au lendemain, sans aucune explication. La couleur importe peu, mais il faut être conscient que ça arrive.
Je vois un panneau Breezy Gully et vais voir à quoi ça ressemble. Ne pas tomber.
La descente aura duré 3h30. On voit 2 colibris qui filent sans laisser la possibilité de les observer : autant dire 2 souris.
Hopeton m’indique, sur une colline voisine, l’héliport d’un riche mexicain qui vient faire du VTT dans le coin… Il m’explique aussi que je risque d’avoir des occasions avec les jamaicaïnes car si elles peuvent quitter le pays, elles n’hésitent pas à se marier. Ceci expliquant… Cela. Un mariage peut s’organiser en une paire d’heures.
Sortis de la forêt, nous sommes dans l’une des plus grosses plantations de café des Blue Mountains : Abbey Green.
Arabica planté à flanc de montagnes, on n’imagine pas le travail qu’il y a autour de cette plante quand on boit le fameux breuvage.
Les conditions locales expliquent peut-être son prix élevé et sa rareté. Les jamaicains préfèrent le thé mais Hopeton préfère le café. Un caféier donne moins de 2m3 de graines à traiter. Ici, le café et encore vert tandis que la récolte tirait à sa fin dans l’Est de Cuba.
Hopeton m’explique que c’est dû à l’altitude mais que dans la vallée la récolte est en cours. Elle dure de septembre à février avec un top en octobre. J’y parle des conifères que je ne pensais pas voir en Jamaïque et il m’explique que c’est tout simplement dû à l’altitude. Elémentaire, le bon sens de l’homme de la terre.
Nous avons croisé 5 ou 6 personnes durant tout ce temps, la plupart des fermiers machette en main, et aussi un rasta vendant du café. Arrivée 10H à Whitfield Hall, je n’ai plus de voix et ai droit à un jus de citron vert + flajolets – oeufs – manioc. Je suis exténué.
Départ pour Kingston, végétation et arbres magnifiques, klaxons dans les virages, petite heure de piste puis une d’asphalte, manufacture de café, alternance sieste et observation. En arrivant, je dis à Robert que c’est bien le drapeau de la Jamaïque que je vois là : soleil, verdure et peuple noir.
Il me répond que le peuple noir est le problème. Patience et persévérance, un jour on répartira mieux les richesses. Arrivée à Kingston à 14H, sieste, quelques courses et farniente avant une bonne grosse nuit!
Magnifique et intéressant reportage. Merci!
Merci à toi pour ton passage et ton gentil mot, Caplan!