Montego Bay
J’ai quitté ma cage dorée de Kingston par le Knutsford Express de 8H30. 4H de route via Savanna-La-Mar, à l’Ouest de l’île : on m’a proposé un direct de 2H mais je voulais voir le paysage. On arrive à Montego Bay par Jimmy Cliff Boulevard…
Le bus était réfrigéré, comme la plupart des intérieurs publics jamaïcains, accentuant le rhume attrapé dans la semaine. J’y ai rencontré Ben, une française vivant à Kingston : pour elle, ça ne craint pas plus que Marseille, même si elle n’irait pas à Trench Town la nuit.
J’ai passé l’après-midi à chercher l’agence avec laquelle je voulais aller à Accompong, principale raison de ma venue à Montegoi Bay.
Et qui sait, les nombreux dutty free que compte la ville pour une session shopping . Montego Bay a perdu son allure sauvage de la fin des années 60 : une autre époque.
Avec près de 100 000 habitants, c’est la 2e ville jamaïcaine et surtout une station balnéaire où des paquebots entiers déversent leurs flots de touristes. J’ai beaucoup hésité avant d’y louer une couche, mais ce bétonnage en bonne et due forme était prévu.
Le tourisme est essentiel au pays et par là même, le confort des US et canadiens. Voilà qui est accompagné d’une perte d’authenticité : le monde entier court après les mêmes choses.
Enfin, j’étais quand-même bien loin de me douter que je tomberai sur ce type de magasin en Jamaïque. Dans mon esprit, ça ne correspond pas trop à la culture locale. Moins étonnant, on me propose souvent de l’herbe ou… Une femme.
Voilà, Jimmy Cliff Boulevard : hôtels et dutty free qui ne sont rien d’autre que des magasins de souvenirs.
Je n’ai rien contre le progrès, mais quand-même, au bout, tout finit par se ressembler, non? Tout doit être empaqueté de la même manière, présenté aux normes… Et je ne suis même pas sûr que les locaux en profitent énormément. Hors plans weed et prostitution.
Vue sur la mer des Caraïbes. Je prends une Red Stripe dans un stand posé à la va vite et observe le coucher du soleil sur fond de Pop Rock. Je ne suis pas fan, mais les jamaïcains n’écoutent pas que du Reggae. Island Grill, grosse fatigue et coucher tôt.
Réveil 7H. Une allemande squatte la même chambre ; elle est arrivée par un direct de Francfort. Après un petit déj pas si simple à trouver, je vais traîner en ville : la veille, j’ai localisé l’église locale. On est dimanche : qui sait, je peux peut-être assister à une messe Gospel .
Mais j’arrive juste après l’office. Surtout, je n’aurai pas fait tâche. Si beaucoup d’artistes Reggae ont appris à chanter à l’église, ça ne fait pas de cette dernière une salle de spectacle. Saint James Church a été construite en 1778.
Le vieux Montego Bay est petit, mais la ville très étendue. Je dois trouver un taxi pour Accompong demain, taxi qui m’amènera à Rosehall et Greenwood aujourd’hui même. Je négocie Accompong pour 140US$ la journée.
Je m’en veux un peu car j’ai oublié le nom du taxi qui m’accompagne durant ces 2 jours. Ca n’est pas faute d’en avoir noté, des choses! Me voici à Rose Hall Greathouse.
C’est la maison de maître d’une plantation de canne à sucre de 2500 hectares comptant jusqu’à 2000 esclaves. Fondée en 1750 par George Ash, qui la baptisa comme sa femme, Rose. Ash mourut au bout de 2 ans et Rose se remaria 3 fois. Tous ses maris mourrurent naturellement.
En 1820, l’héritier de la plantation, John Rose Palmer, épouse Annie Mae Patterson, 18 ans, née en Angleterre et élevée à Haïti où, après la mort de ses parents, elle est élevée par une prêtresse vaudou. Elle deviendra la sorcière blanche de Rose Hall.
Ce sont les esclaves qui la surnommèrent ainsi. En 9 ans, elle aurait assassiné ses trois maris et un grand nombre d’esclaves, avant d’être tuée des mains de Takoo, son amant et ancien esclave, en 1831.
Entre 1831 et 1838, 685 des 700 maisons de maîtres furent brûlées lors des nombreuses révoltes d’esclaves qui secouèrent l’île. Rose Hall y échappa car on la craignait hantée. Elle dépérit donc naturellement. Aujourd’hui, cette méridienne est une des rares pièces originales de la demeure.
La maison fut réclamée par le gouvernement britannique et vendue à 3 familles ditinctes. En 1905, une femme de ménage s’y brisa le cou en tombant de la mézanine et la maison resta encore inhabitée jusqu’à son rachat par un couple américain, en 1965.
Ils restaurèrent la demeure à base de pièces d’époque et de boiseries d’acajou. La maison reste inhabitée et considérée par certains comme hantée. Johnny Cash y écrivit sa chanson The Ballad Of Annie Palmer . Il s’agirait d’une légende entièrement inventée d’après des écrits de 1868 et un roman de 1929.
Ca n’en reste pas moins une histoire fascinante qui s’insère habilement dans les évènements de l’époque… En contre bas, un aqueduc… Mais pas romain!
Il cash, euh, il cache le Sheraton local. Golf, plages privatisées… Comme l’essentiel des plages jamaïcaines, à priori.
D’une plantation à l’autre… Après tout, le Reggae n’existerait certainement pas sans toute cette histoire…
Les visites possibles sont variées, notamment en lien avec la nature, mais ça n’est pas ce qui m’intéresse. Il s’agira de Greenwood Greathouse, cette fois.
Autre rescapée des soulèvements des révoltes d’esclaves 1830…
Greenwood Greathouse a été fondée par l’anglais Richard Barrett en 1760.
La bonne conservation de sa propriété, tant des murs que de leur contenu, doit être un bon indicateur du type de maîtres que furent les propriétaires locaux.
Ici, tout est d’origine, tout simplement conservé. La guide égraine les uns après les autres les noms, l’époque et l’origine des meubles et objets d’art composant le mobilier de la maison.
Parmi ceux-ci, nombre d’instruments de musique, comme ce piano, mais également des « boîtes à musique »…
Tel que ce polyphon et son meuble de rangement…
Quand l’utilité d’autres machines m’est absolument étrangère et donc intraduisible à défaut d’être mémorable.
Cartes, tableaux de famille, gravures…
On est là dans une véritable propriété d’époque.
Evidemment, les quartiers des esclaves ne sont pas arrivés jusqu’à nous et ne rivaliseraient en rien avec cette belle maisonnée.
Tout un art de vivre, avec chaque instrument en parfait état de marche comme me le démontre la guide tout le long du parcours.
La visite se termine avec quelques questions à mon encontre et la raison de ma venue en Jamaïque. Je parle de Reggae, de Rock Steady, des Pioneers, Paragons, Derrick Morgan, Melodians…
A chacun de ces noms, mon interlocutrice qui a l’âge d’avoir été une adolescente à la fin des années 1960, acquièsce, tout sourire et reprenant les noms cités qu’elle connaît tous. Voilà qui fut et qui reste une maison de la musique, pour le coup!
Pour finir, 1er plouf dans la mer des Caraïbes. L’eau est quasiment chaude, je n’avais jamais vu ça. Quel bonheur! Ni vagues, ni palmiers, mais un local qui veut me vendre un jamaican booty, the best of the world surveille les rares affaires que j’ai laissées sur la plage.
Je m’en tire en lui payant une bière et finis ce soir au Burger King, seul endroit où j’ai un peu de web à Montego Bay. Faute de mieux, mais ambiance relax. A demain!
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