Une Reconquête, plusieurs visages : Obidos, Batalha et Tomar
Je vous en parlais hier, d’Obidos , et vous laisse sur ces premières descriptions…
Il est encore tôt et il ne faut point brusquer le réveil lorsqu’il se déroule comme dans un rêve.
Une librairie dans une église, quand il y a trop d’églises et pas assez de librairies, c’est une bonne idée.
La balade dans les ruelles vaut aussi un petit détour…
…Même si les touristes sont envahissants. Non?
Bon, la preuve dans la Rua direita, alors!
Le reste du temps restant assez appaisant.
Sur ce, nous avons quelques kilomètres à parcourir aujourd’hui, avec deux sites majeurs à revoir ou découvrir.
Batalha, d’abord, et son monastère Santa Maria da Vitoria.
Classé au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco, le monastère de Batalha a été fondé pour commémorer la victoire des Portugais sur les Castillans à Aljubarrota, en 1385.
C’est João 1er (1357-1433) qui le commande et le monastère dévolu aux dominicains qui s’y installent dès 1388 sera l’objet d’embellissements de la part de 6 rois, durant 2 siècles, jusque vers 1517.
Durant cette période, l’édifice est le réceptacle des influences extérieures, mais aussi celui d’un style national, l’art manuélin.
La chapelle du Fondateur, où sont inhumés plusieurs rois, est de la première époque, de style gothique flamboyant…
On y trouve entre autres le tombeau de l’Infant Henri le Navigateur, connu comme l’instigateur des grandes découvertes.
C’est donc une chapelle funéraire…
Depuis Alcobaça , le style a bien évolué!
Après le 1e Guerre Mondiale, dans le cloître Royal, l’Etat portugais installa la tombe d’un soldat inconnu envoyé par la France.
C’est au début du XVIe s., que le cloître Royal se parre d’atours de style manuélin.
Ce dernier tire un peu du roman, du gothique ou encore des influences orientales, avec des éléments renvoyant aux activités marines : les noeuds sont ainsi une constante.
La Croix de l’Ordre du Christ, visible ici, est le symbole d’un ordre militaire religieux qui remplaça celui des Templiers, en 1312.
D’autres vestiges sont moins éloquents mais témoignent de l’étendue de l’activité artistique locale.
Dans le cloître Royal toujours…
Et patientez un peu avant de pouvoir parler de surcharge!
Passage rapide dans le cloître mineur…
Réalisé au milieu du XVe s. …
Et direction la Rotonde funéraire, plus connue sous le nom de Chapelles imparfaites… A vous d’en deviner la raison!
Ces dernières datent du début du XVIe s. et c’est la fin de l’intérêt de la monarchie qui en a fait ce qu’elle est restée à ce jour…
Et là, on peut effectivement parler de surcharge, quoi que ça reste tout relatif…
Par la suite, et sous l’impulsion de Manuel II, dès 1516-1517, c’est au Monastère des Hyéronimites à Lisbonne que les préférences royales iront. Fin de visite et rendez-vous 36 kms à l’Est, à Tomar.
Il a été question des Templiers à plusieurs reprises durant ce voyage : ce sont eux qui ont fondé Tomar en 1160.
C’est donc au château de Tomar que nous nous rendons, mais plutôt que de faire un tour dans les fortifications, nous réservons les deux petites heures à notre disposition pour visiter le Couvent du Christ : pour moi, c’est une découverte et je ne suis pas au bout de mes surprises.
A vrai dire, je ne sais absolument pas à quoi m’attendre, ne connaissant des lieux qu’une fameuse fenêtre, sans pour autant connaître la raison de cette célébrité.
Et ça n’est pas la première porte rencontrée qui, bien que remarquable, m’a coupé le souffle…
Je ne comprends pas trop ce mélange où les styles gothique et manuélin voisinent avec une architecture Renaissance matinée d’azulejos à la portugaise… J’essaie donc de comprendre : tout va entrer petit à petit dans l’ordre. Il s’agit ici du tombeau de Diogo da Gama, frère du navigateur Vasco da Gama qui découvrit la route maritime pour les Indes.
Il se situe dans un cloître dépouillé qui fait penser aux patios arabes… De style gothique, c’est l’un des 8 cloîtres qui composent le couvent, celui-ci étant le cloître du Cimetière, construit sous Henri le Navigateur, maître de l’Ordre du Christ de 1417 à 1460. C’est ici qu’étaient inhumés les chevaliers et moines de l’ordre.
On est bien loin de la forteresse d’origine par laquelle nous sommes arrivés…
Qui à la Reconquête faisait partie de la ligne de défense mise en place par les Templiers pour sécuriser la frontière du jeune royaume de Portugal, correspondant vers 1160 à peu près aux rives du Tage. Il était par ailleurs le siège des Templiers au Portugal.
En 1312, l’Ordre du Temple dissous, ses biens furent transmis à l’Ordre du Christ, créé par Dom Dinis en 1319. Tomar devient son siège en 1357.
C’est ici que j’ai le souffle coupé, faisant une seconde entrée après être revenu sur mes pas. La Charola, ou Rotonde.
Cette présentation se fait dans le désordre chronologique en ce qui concerne les différentes constructions, mais dans le sens de ma visite : ça n’aide pas.
Nous sommes ici dans l’un des éléments les plus anciens du couvent.
De style roman, la Charola fut construite dès le XIIe sur le modèle du Saint Sépulcre à Jérusalem.
Dès 1499, elle fut embellie de peintures et sculptures par Manuel 1er, maître de l’Ordre du Christ en 1484 et roi en 1492.
C’est sous son instigation que le style manuélin, qui porte son nom, s’est répendu à travers le Portugal… Voyez ici les fenêtres…
Plus loin, cette partie-ci du couvent est due au successeur de Manuel Ier, João III de Portugal.
La Reconquête étant achevée, il démilitarisa l’Ordre du Christ et le rendit plus religieux en le liant aux préceptes sisterciens…
João III fit édifier le nouveau cloître, qui porte son nom, à partir de 1533,…
Il reste à ce jour l’un des meilleurs exemples d’architecture Renaissance au Portugal. En 1581, le Couvent du Christ fut le lieu où les nobles portugais, à l’occasion d’une crise de succession, reconnurent Philippe II d’Espagne comme le roi Philippe Ier du Portugal.
Peut-être la raison pour laquelle le cloître Dom João III est aussi appelé cloître « dos Felipes »…
Arrivés tout en haut, on aperçoit l’église du XVe siècle, qui englobe la Rotonde du XIIe. La nef gothique fut commandée par Henri le Navigateur et embellie, comme l’intérieur de la Rotonde, par Manuel 1er. Ce que l’on pourrait, d’ici, prendre pour une rosace est un oculus de style manuélin où des cordages retiennent des voiles gonflées. Tout est dans le détail!
De là, il faut passer au cloître de Santa Barbara, lui aussi édifié au XVI s., pour avoir une vue plus complète sur l’église. C’est d’ailleurs depuis cet endroit que l’on a accès à un chef d’oeuvre de l’art manuélin.
Cette fameuse fenêtre de Tomar, réalisée entre 1510 et 1523. Pour les plus curieux, et puisque je suis incapable de la décrire, c’est ici!
Extrait : « …supportant des racines de chêne sur les épaules, le buste d’un homme barbu coiffé d’un chapeau, récemment identifié comme Jessé, fondateur de la généalogie du Christ, d’après le livre d’Isaïe, abondamment utilisé par les écrivains de la Cour de Don Manuel pour expliquer le destin providentiel du monarque qui d’ailleurs avait le même nom que le Rédempteur : Emmanuel ».
Voilà qui devrait être tout pour la description des lieux puisque la visite s’achève avec leur fermeture. Au final, le Couvent du Christ a une place particulière dans l’histoire du Portugal puisque construit dans un premier temps en réaction à l’extérieur, pour affirmer une identité locale chrétienne face à l’envahisseur…
Il devient par la suite un symbole d’ouverture du Portugal au monde en étant l’un des centres névralgiques des grandes découvertes…
…Puis, ironie de l’histoire, l’endroit où le Portugal perdit sa souveraineté pour 59 ans.
Quant à la ville de Tomar, rien au premier abord qui nous ait retenu plus longtemps, et à tort à postériori. Direction est prise de Coimbra! Atè amanha!
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